Et comment tu appelles ça !!!??
Actualités : JUSTICE-PRESSE
Six mois de prison ferme pour Hakim Laâlam Le lauréat du prix Benchicou de la Plume libre 2005 a été condamné à la prison ferme. La cour d’Alger a confirmé le verdict prononcé par le procureur de la cour d’Alger qui examinait en appel le procès pour outrage au président de la République, intenté par le ministère public, au chroniqueur Hakim Laâlam et à Fouad Boughanem. Ce dernier a été relaxé, par contre, Hakim Laâlam a été condamné à six mois de prison ferme.
Ilhem B. Tir -Alger -(Le Soir) - Le verdict a été prononcé hier dans cette affaire dont les faits remontent au 21 août 2003, date à laquelle a été publiée une chronique de Hakim Laâlam intitulée “La fessée” au journal Liberté, par solidarité avec Le Soir d’Algérie alors sous le coup d’une suspension. Une suspension mal acceptée par l’opinion nationale et internationale qui y voyait là une menace sur la liberté d’expression et de la presse. C’est ce contexte que Hakim Laâlam voulait rappeler au président de la cour avant de répondre à ses questions. Le chroniqueur du Soir d’Algérie a tenté d’expliquer aux magistrats, malheureusement sans succès, que la chronique n’est autre qu’“une manière de voir l’information différemment, pour amener dans un journal ce plus qui détend un lecteur qui en a bien besoin après plus de dix ans de tension et de souffrances”. La demande du procureur de la République qui était «offusqué» par la manière dont est traité le chef de l’Etat, de la confirmation de la peine de Hakim Laâlam de six mois de prison avec sursis en six mois ferme et 250 000 DA d’amende, a été acceptée. La même peine demandée pour Fouad Boughanem, relaxé en première instance, a été, par contre rejetée et M. Fouad Boughanem a bénéficié d’une relaxe prononcée déjà, en janvier 2005 par le tribunal de Sidi-M’hamed. Par ce fait, les différents acteurs de la presse indépendante ont manifesté hier leur indignation face à cette condamnation qui illustre bien la volonté de réprimer la liberté d’expression en Algérie, car une fois encore, le pouvoir persiste à utiliser le dispositif judiciaire pour faire taire des voix libres. I. T.
LA PRESSE UNE FOIS DE PLUS SCANDALISEE
- Fouad Boughanem, directeur de publication du “Soir d’Algérie” : «L’acharnement judiciaire contre la presse se poursuit avec visiblement, une volonté de donner un nouveau tour de vis. La peine de Hakim Laâlam, qui vient d’être alourdie en appel, démontre que les journalistes sont devenus les ennemis publics numéro un, à l’heure où le pouvoir n’en finit pas de faire les yeux doux à ceux qui ont mis le pays à feu et à sang pendant dix ans. La peine prononcée contre Hakim Laâlam est scandaleuse. Elle est significative de l’incapacité chronique de ceux qui dirigent le pays à respecter un seuil minimum de liberté et de démocratie pour les Algériens. L’instrumentalisation ostentatoire de la justice pour réduire les libertés, fait dramatiquement reculer le pays et le renvoie aux années de plomb».
- Omar Belhouchet, directeur de la publication d’“El Watan” : «La peine prononcée contre le chroniqueur du Soir d’Algérieillustre bien la situation que je qualifie de grave, car elle dépasse toute logique mais les journalistes assument ce qu’ils font et ce qu’ils écrivent. Ils veulent peupler les prisons par les journalistes que les terroristes doivent vider».
- Hazem Hada, directrice de la publication d’“El Fadjr” : «Cette peine prononcée contre Hakim Laâlam, est un message direct adressé aux journaux, à peine deux jours après l’annonce des mesures d’application des textes de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. La presse mérite mieux que ça, elle a payé son lot vis-à-vis des terroristes, elle continue à payer vis-à-vis de l’Etat et du gouvernement. Qu’est-ce qu’on attend encore ? Le harcèlement continue. Il faut que la corporation soit organisée et solidaire, car il ne faut pas oublier qu’après l’incarcération de Mohamed Benchicou, tout pouvait arriver et c’est le cas.»
- Mahmoud Belhimer, rédacteur en chef d’“El Khabar” : «Nous n’avons pas cessé de répéter que le dispositif juridique est archaïque et répressif. Il faut que les lois qui permettent l’emprisonnement des journalistes changent. Pour nous, la condamnation de Hakim Laâlam est une répression de la liberté d’expression. Il est inadmissible que des journalistes soient emprisonnés pour leurs écrits. Nous avons deux autres collègues qui sont en prison et ce pour des faits infondés : Lakhal Boussad d’ Iqraa et Aberkane Bouderbala d’ Erissala qui n’avaient pas l’intention de nuire».
Le Soir d'Algérie
MOHAMED BENCHICOU
700 jours de prison, à 30 jours de la liberté Le 14 juin prochain, le directeur de la publication du quotidien Le Matin bouclera ses deux années d’incarcération à la prison d’El- Harrach. Dans moins d’un mois, il quittera sa geôle, où il a déjà passé 700 jours pour “infraction à la réglementation sur le change”. Un délit qui, en fait, en cache un autre, le vrai, qui est celui de “la liberté d’écrire”.
D’aucuns savent que Mohamed Benchicou a été arrêté le 14 juin 2004 pour ses écrits. Son incarcération fait suite à une cavale judiciaire orchestrée par le pouvoir 9 mois avant son arrestation. Son tort, et celui d’autres journalistes, est d’avoir révélé des scandales politiques. Tout le monde s’en souvient. Cela a commencé le 13 août 2003. Pour sanctionner cette presse qui a “osé” publier des “affaires politiques à scandale”, le président Bouteflika, par le biais de son chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, somme les imprimeries de ne plus tirer les journaux qui ont révélé à l’opinion publique ces scandales. Le 18 août 2004, six titres indépendants dont Le Matin ont été suspendus à cet effet. A cette même période, le directeur général des douanes adresse une lettre à Ahmed Ouyahia où il est expliqué qu’aucune infraction à la loi n’avait été relevée par ses services “seuls habilités à le faire”, concernant les bons de caisse trouvés chez Mohamed Benchicou. Le 26 août 2003, le journal Le Matin paye ses dettes et reparaît après 9 jours de suspension. Le lendemain, son directeur de la publication est placé sous contrôle judiciaire pour possession de bons de caisse lors de son interpellation à l’aéroport d’Alger et doit se rendre, une fois par semaine, au commissariat de police pour marquer sa présence. Les poursuites judiciaires contre les journalistes iront, depuis, crescendo. Ainsi, le 8 septembre 2003, Benchicou et le caricaturiste de Liberté, Ali Dilem, sont entendus par la police ; le directeur du Matin, sur plus de vingt écrits entre chroniques, articles et éditoriaux. Le 9 novembre 2003, l’examen de la demande en appel introduite par les avocats de Benchicou pour la levée de la mise sous contrôle judiciaire décidée à son encontre trois mois avant par le tribunal d’El-Harrach est renvoyé au 16 novembre. Le renvoi est justifié par le fait que le “dossier est incomplet”. Le 17 novembre de la même année, la chambre d’accusation de la cour d’Alger rejette la demande de la levée de la mesure de mise sous contrôle judiciaire introduite par le collectif d’avocats de Mohamed Benchicou. Le pouvoir s’acharne et accélère la machine judiciaire. Le 6 décembre 2003, le directeur du Matin est convoqué aux services des atteintes aux personnes de la Sûreté de wilaya d’Alger pour deux chroniques “La république de la pharmacie Boualfa”, et la seconde signée Inès Chahinez intitulée “Le cousin de la voisine du roi”. Le 11 janvier 2004, il est destinataire d’une nouvelle convocation émanant du service des atteintes aux personnes de la Sûreté de wilaya d’Alger, qui, cette fois, lui reproche la publication d’un édito analysant l’opportunité d’un front anti- Bouteflika. Six jours plus tard, accusés d’outrage au président, Benchicou et Ali Dilem sont interpellés par la police. Ils sont alors conduits au commissariat et présentés devant le procureur et le juge d’instruction près le tribunal d’Alger. Le 9 février 2004, la chambre d’accusation de la cour d’Alger maintient la mise sous contrôle judiciaire du directeur du Matin. Le 30 mai 2004, après 9 mois de mise sous contrôle judiciaire, le procès de Mohamed Benchicou, auteur du livre Bouteflika, une imposture algérienne,est ouvert. Le 14 juin 2004, Mohamed Benchicou est condamné à 2 ans de prison ferme avec mandat de dépôt et une amende de 3 milliards de centimes par le tribunal d’El-Harrach pour infraction à la réglementation sur le change. Le verdict a jeté la consternation dans toutes les rédactions nationales. Depuis, s’est actionnée une mobilisation nationale et surtout internationale. Ainsi, à chaque occasion, la société civile, partis politiques, journalistes du monde entier ont exprimé leur soutien à Benchicou. Des marches, des rassemblements ont eu lieu en signe de solidarité avec celui qui a toujours accompagné le mouvement citoyen. Sans journal, en prison, Benchicou, le journaliste écrivain, se voit attribuer des prix internationaux pour ses écrits, son courage et son combat pour la liberté d’écrire. Le 29 mars 2006, le Centre américain de l’association mondiale des écrivains Pen International, basée à Londres, lui décerne le prix “Barbara Goldsmith, Freedom to Write”. Anna Kushner, coordinatrice du Freedom Write, a estimé que cette “reconnaissance traduit le soutien de tous les membres du centre et des écrivains du monde entier à la cause de Mohamed Benchicou”.
R. S.
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